Le Khyal est la forme de chant classique du nord de l’Inde actuellement la plus en vogue.

Son ancêtre le chant Dhrupad en a établi les fondements, plus austère et plus profond, le Dhrupad a gardé une grande dignité vis-à-vis du Khyal qui le supplanta au XVIIIè siècle, mais sa lourdeur manque de la volatilité mercurielle du khyal, et surtout, son intensité émotionnelle. Si la poésie des chants Dhrupad est basée sur la louange des rois et des dieux, dans le khyal, il s’agit de l’amour, de ses réjouissances à la séparation, de l’espoir de réunion à la jalousie même( !), et le texte est quasiment toujours composé du point de vue de l’héroïne, car la femme incarne et personnifie mieux ces passions qui focalise le sentiment.

Le mot khyal veut dire « imagination », mais il s’agit de ces ‘imaginations du cœur’, et dans le contexte de la musique indienne il implique une plus grande liberté d’improvisation tout en restant ancré dans les modes ancestraux, les ragas. L’ improvisation, qui peut être définie comme l’interprétation du moment par excellence, en a modifié les contours selon le génie et les époques des artistes qui tout au long de son évolution, l’on renouvelé et mis à jour de manière à en faire réellement une musique contemporaine.

Quelques grands noms s’impose à la mémoire parmi ceux-ci, Amir Khan (pas le comédien !), qui sans exclure la virtuosité des vocalises lui donna une base encore plus contemplative en chantant les compositions dans des cycles si lents que le temps en est comme « redéfini ».

Bade Gulam Ali Khan, lui, introduit cet aspect mercuriel, par des volées de notes sorties spontanément comme des oiseaux échappés d’une cage, avec une technique vocale qui sera imitée par de nombreux émules dans les générations suivantes, ensuite mon favori, lui aussi « passé de l’autre côté » depuis, Mallikarjun Mansour, j’admets que j’appartiens par mon maître à la même lignée, ce qui rend la cohérence du discours artistique irrésistible à mes oreilles, mais dans ce cas ce n’est plus une question de goût, mais une culture d’affinités.

Mais il y a plus, dans cette gharana, on insiste sur la culture d’une voix sans artifice, et Mallikarjun incarne pour moi cette nudité désarçonnante du sentiment où « toute résistance est futile ».