Feu B.C. Patekar

Mon maïtre de chant (Khyal) de 1989 à 1995.

J’ai voulu remonter à la source de la musique indienne qu’est le chant, alors j’ai appris avec ce maître de la Jaïpur-Atrauli gharana dont le fondateur était Alladya Khansaheb au XIXè s.(+ photo), historiquement c’est la gharana la plus récente.

Patekar me disait : « Cette musique demande une transformation de la personnalité ».



Feu Ramdas Chakravarty

Mon premier maître de sitar appartenait à la Senia gharana, les gharanas sont des lignées de musiciens qui transmettent la connaissance oralement de maître à disciple depuis des siècles.

J’ai appris avec lui de 1981 à 1987.

Il m’a dit au début que pour cette musique il fallait trois chose : « adat, jigger, riaz », c’est à dire, « l’habitude », faire de la musique une habitude, ensuite « la volonté », avoir du cœur à l’ouvrage, même si il fallait faire dix kilomètres à pieds pour voir un grand maître, d’avoir un désir de musique indéfectible, et finalement, « riaz », c’est  le mot clé en musique indienne ; la pratique quotidienne.




Feu Mushtaq Ali Khan 

Ustad Mushtaq Ali Khan était le ‘khalifa’(doyen) de la Senia gharana (le mot vient de “ghar”, qui veut dire ‘maison’, comme dans « Maison fondée en… »), c’est la plus ancienne lignée du sitar. Son  père,  Ashiq Ali Khan, était au service du maharaja de Bénarès. Je cherchais ici aussi  à remonter au style ‘originel’ de l’instrument, alors j’ai été perfectionner mon assise chez lui (c’est à dire apprendre la discipline !).

Il disait : « Yeh sangit raja aur fakir ké lyé haï » : « cette musique est faite pour les rois et les fakirs », et en fait il avait raison, si on est pas rentier, il faut être un peu renonçant, du moins dans l’âme.



Le Talim

Une notion essentielle en musique indienne, talim veut dire « enseignement », mais dans un sens beaucoup plus approfondi, puisque c’est un enseignement oral qui compte beaucoup sur l’apprentissage de la mémoire, et que la mémoire ensuite doit  devenir la source de nouvelles créations, ici j’ai une citation tirée du livre de James Kippen, « The tabla of Lucknow », sur son maître Afaq Hussain, de Bhupal Rai Chaudury, qui compare le talim  avec le savoir livresque et dit :

« C’est comme quelqu’un qui se sert de livres pour mémoriser cinq essais pour un examen, si  dans l’examen aucuns de ces essais n’est mentionné, je suis cuit, par contre si on m’enseigne comment composer, comment construire, comment commencer et comment finir, alors là c’est du talim, chaque partie du processus de composition doit être appris. »

C’est une manière d’inculquer une intelligence musicale à l’élève, « talim ki roshni mé », ‘dans la lumière du talim’. C’est un peu comme un système de self-clonage, où le moindre module mélodique ou rythmique, par combinaison et permutation, peut se développer à l’infini. Ici, Afaq Hussain:

« En fait, le talim ne peut jamais s’épuiser dans ta vie. Les anciens continuent à t’enseigner et tu continues à apprendre. Je fais des calculs, mon esprit continue à travailler, alors je rajoute des compositions au répertoire à la lumière du talim, c’est comme ça que ça se perpétue. »